Erstellt am: 31.05.2023
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Kategorie: News
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Bundesgericht : 5A_565/2022

Mesures protectrices de l'union conjugale - contribution d'entretien: revenu hypothétique, garde alternée, coûts directs des enfants, contribution de prise en charge

"Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Toutefois, tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt 5A_407/2021 du 6 mai 2022 consid. 3.2 et les références). Le juge doit ainsi examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé; il s'agit d'une question de droit. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail; il s'agit là d'une question de fait (ATF 143 III 233 précité consid. 3.2; 137 III 102 précité consid. 4.2.2.2). Afin de déterminer si un revenu hypothétique doit être imputé, les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes. Les critères dont il faut tenir compte sont notamment l'âge, l'état de santé, les connaissances linguistiques, la formation (passée et continue), l'expérience professionnelle, la flexibilité sur les plans personnel et géographique, la situation sur le marché du travail, etc. (ATF 147 III 308 consid. 5.6; arrêt 5A_407/2021 précité consid. 3.2).  

S'agissant de l'obligation d'entretien d'un enfant mineur, les exigences à l'égard des père et mère sont plus élevées, en sorte que ceux-ci doivent réellement épuiser leur capacité maximale de travail et ne peuvent pas librement choisir de modifier leurs conditions de vie si cela a une influence sur leur capacité de subvenir aux besoins de l'enfant mineur (ATF 137 III 118 consid. 3.1; arrêt 5A_192/2021 du 18 novembre 2021 consid. 7.1.1).

Le recourant fait valoir que dès lors que l'autorité de première instance a institué une garde alternée à parts strictement égales, la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en imputant à l'intimée un revenu hypothétique correspondant à un emploi à 50 % et non à 100 %, un mi-temps ne pouvant trouver application selon lui que lorsque le parent gardien - dont l'enfant cadet est encore à l'école obligatoire - se consacre seul à la prise en charge des enfants. Il ajoute par ailleurs qu'il serait arbitraire d'imputer un revenu hypothétique à 50 % pour elle et à 100 % pour lui.  

En l'espèce, en tant qu'il soutient qu'en présence d'une garde alternée, exercée à parts strictement égales, il serait arbitraire d'imputer à l'intimée un revenu hypothétique inférieur à plein temps, le recourant n'explique pas en quoi l'autorité cantonale aurait manifestement abusé de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC) en appliquant les paliers prévu par la jurisprudence précitée pour évaluer la capacité de gain de l'intimée, ni la raison pour laquelle elle aurait dû en faire totalement abstraction en présence d'une garde alternée. Son argumentation ne satisfaisant pas aux conditions de motivation accrue déduites de l'art. 106 al. 2 LTF, le grief est irrecevable.

Quant à la distinction opérée entre le taux d'activité de l'intimée et celui du recourant, il ressort des faits retenus par l'autorité cantonale qu'après être partis vivre en U.________ en 2012, les époux se sont réinstallés à V.________ en mars 2019. A l'audience du 14 juillet 2020, ils ont admis avoir adopté à la suite de la naissance de leurs filles un modèle traditionnel avec un père pourvoyant aux besoins de la famille et une mère au foyer, ce que le recourant ne conteste pas. Si selon l'arrêt déféré, les deux parties sont sans emploi, le recourant a exploité, comme indiqué précédemment, une entreprise individuelle active dans le design horloger et de produits du 16 août 2019 au 5 novembre 2021. La situation est différente pour l'intimée, dont le dernier contrat de travail date d'avril 2009, soit avant la naissance des deux enfants du couple, et qui, âgée de 47 ans révolus à l'époque, s'est mise à la recherche d'un emploi dans le cadre de sa prise en charge par l'Office cantonal de l'emploi et l'assurance-chômage, dès janvier 2021, soit après la séparation du couple en janvier 2020. Au vu de ce qui précède et plus particulièrement de la répartition des tâches convenue pendant la vie commune, il n'est pas arbitraire, à ce stade, de considérer que le recourant doit maintenir un taux d'activité à plein temps, afin de subvenir aux frais supplémentaires engendrés par la vie séparée (cf. supra consid. 3.1.1.1), alors que seule la reprise d'une activité à mi-temps est exigée de la part de la mère. Partant, le grief doit être rejeté.

Il soutient qu'il serait arbitraire de le condamner au paiement d'une quelconque contribution d'entretien " à titre des coûts directs des enfants ".  

Lorsque les parents se partagent la prise en charge de l'enfant par moitié et contribuent ainsi dans la même mesure aux soins et à l'éducation de celui-ci, leurs capacités financières respectives sont en principe seules déterminantes pour savoir dans quelle mesure chacun d'eux doit subvenir aux besoins en argent de l'enfant (parmi plusieurs : arrêts 5A_855/2021 du 27 avril 2022 consid. 3.2.3; 5A_952/2019 du 2 décembre 2020 consid. 6.3.1; 5A_926/2019 du 30 juin 2020 consid. 6.3; 5A_1032/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.4.1). Si un seul parent bénéficie d'un montant disponible, il doit assumer seul les coûts directs de l'enfant (arrêts 5A_727/2018 du 22 août 2019 consid. 4.3.2.3 et les références; 5A_743/2017 du 22 mai 2019 consid. 5.3.2).  

S'agissant de l'entretien des enfants, la cour cantonale a considéré qu'en dépit de la garde partagée, il se justifiait que le père contribue financièrement à leur entretien, compte tenu de son important disponible, de l'absence de revenu de la mère et du fait que cette dernière réglait certaines factures des enfants (assurances-maladie, cours d'anglais et " cuisines " scolaires).  

Le recourant prétend que les situations financières des parties ne différant pas sensiblement l'une de l'autre et que les parties assumant la prise en charge en nature des enfants à parts égales, leurs coûts directs devraient être partagés par moitié. Il ajoute que dans la mesure où il aurait consenti à ce que l'intimée conserve la totalité des allocations familiales (300 fr. par enfant), moyennant l'engagement de celle-ci de s'acquitter des factures précitées, il serait arbitraire de le condamner au paiement d'une quelconque contribution d'entretien.  

Contrairement à ce que soutient le recourant, les situations financières des parties diffèrent sensiblement l'une de l'autre, dès lors que le recourant présente, toutes périodes confondues, un disponible de 7'930 fr. (9'800 fr. - 1'870 fr.), alors que l'intimée doit faire face à un déficit de 4'300 fr. (0 fr. - 4'300 fr.) du 1er mai 2020 au 31 mars 2021 (période 1), de 1'930 fr. (0 fr. - 1'930 fr.) du 1er avril 2021 au 15 mars 2022 (période 2) et du 16 mars 2022 au 31 octobre 2022 (période 3), et de 70 fr. (1'860 fr. - 1'930 fr.) dès le 1er novembre 2022 (période 4).  

Partant, il n'est pas insoutenable de lui faire supporter la majeure partie des coûts directs des enfants, étant précisé que pour tenir compte du mode de garde, l'autorité cantonale a, pour chacune des périodes, déduit des contributions d'entretien mensuelles des enfants la moitié de leur base mensuelle ainsi que la moitié de l'excédent initialement inclus. Le grief doit donc être rejeté. 

Le recourant reproche enfin à l'autorité précédente d'avoir compensé le déficit de l'intimée par une contribution de prise en charge pour les périodes 1 à 4.  

L'art. 285 CC dispose notamment que la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère (al. 1). La contribution d'entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l'enfant par les parents et les tiers (al. 2); l'art. 276 al. 2 CC précise encore que l'entretien de l'enfant comprend, outre les frais de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger, les " frais de sa prise en charge ". Aux frais directs générés par l'enfant viennent donc s'ajouter les coûts indirects de sa prise en charge, ce qui implique de garantir économiquement parlant que le parent qui assure la prise en charge puisse subvenir à ses propres besoins tout en s'occupant de l'enfant (ATF 144 III 377 consid. 7.1.1 et 7.1.2; arrêts 5A_648/2020 du 12 juillet 2021 consid. 6.2; 5A_514/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1.1).  

L'autorité précédente a considéré qu'étant donné que la mère était empêchée de travailler à plein temps en raison du temps qu'elle consacrait aux soins et à l'éducation de ses filles, les charges mensuelles de celles-ci devaient être augmentées d'une contribution de prise en charge. Elle a ainsi ajouté le déficit de la mère aux charges des enfants pour chacune des quatre périodes.  

Le recourant taxe d'arbitraire la prise en compte du déficit de l'intimée au titre de contribution de prise en charge, dès lors que durant les périodes 1 à 3, ce déficit ne serait pas lié à la prise en charge des enfants, mais à l'absence d'emploi et donc de revenu. Quant à la période 4, il expose " qu'au vu du mode de garde instauré sur les enfants, toute perte ou réduction de capacité de gain de l'intimée ne serait pas liée au fait qu'elle s'occupe des enfants "; il serait ainsi insoutenable selon lui de retenir une telle contribution pour cette période.  

En l'occurrence, le recourant ne critique pas, de manière conforme aux exigences strictes découlant du principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF), les motifs de l'arrêt attaqué. En particulier, il ne discute pas valablement, par son argumentation appellatoire, l'opinion de la cour cantonale selon laquelle, durant les périodes 1 à 3, à savoir du 1er mai 2020 au 31 octobre 2022, l'intimée était empêchée de travailler à plein temps en raison du temps qu'elle consacrait aux soins et à l'éducation de ses filles et que son déficit devait dès lors être compensé par une contribution de prise en charge.  

Pour le surplus, le recourant ne soutient pas que la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire, dans le cadre de l'imputation d'un revenu hypothétique à l'intimée, en impartissant à celle-ci un délai au 1er novembre 2022 pour s'adapter à sa nouvelle situation. 

Le même sort doit être réservé à la critique du recourant relative à la contribution de prise en charge durant la période 4, en tant qu'il n'explique pas de manière claire et détaillée en quoi il serait insoutenable dans les circonstances de l'espèce, en présence d'une garde alternée à parts égales, de ne pas exiger un taux d'activité plus élevé que celui qui prévaudrait pour une garde exclusive, en l'occurrence 50 %, étant rappelé que les lignes directrices constituées par ces paliers ne sont pas une règle absolue. Partant, cette critique est également irrecevable."

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